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En les regardant, ces yeux plus sensitifs que pensifs, mais puissamment douloureux, l’officier se demandait s’il n’y avait pas, chez ce dégénéré, une étincelle encore d’intelligence humaine et il songeait à ces êtres frustes, les innocents, comme on les nomme dans les campagnes, et qui, plus rapprochés que les autres de la terre et des choses, connaissent, mieux que tous, les simples, les herbes, les vents, les nuages, cette nature dont ils semblent, n’entendant pas complètement la langue des hommes, comprendre l’immense, harmonieuse, berçante ou terrible voix ; êtres à la fois condamnés et privilégiés qui enfouissent une sorte de poésie latente dans leur corps de sauvage, dans leur cerveau déformé ou inachevé…

Ces yeux, ces yeux si tristes, de l’errant, troublaient l’officier