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10 HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE

qu’elle épouse. La petite possédée tente même de s’empoison- ner le jour du mariage. La mariée, Isabelle, ne songe plus qu’à protéger les jours chers et menacés. Elle autorise cet amour, elle prie son époux Georges de s’y prêter, afin de guérir la jeune folle. Mais Isabelle a trop présumé d’elle. Bientôt la jalousie vient combattre en elle l’amour fraternel. Cependant l’époux Georges a le rôle ridicule de l’homme aimé et qui résiste. Ces manières de Joseph font toujours sourire, et l’on a souri quand Georges repousse les aveux perpétuels de Jeanine. — « Et voilà la vie que vous me faites ! Vous êtes embêtante. Oh ! ça, vous pouvez vous vanter de savoir raser les gens avec une persistance ! » Et Jeanine ne renonce pas à son dada : — « Lundi je t’aime, mardi je t’aime, mercredi je t’aime et c’est toute la semaine ainsi ! » Voilà la situation : une épouse écartelée entre une sœur et un mari ; une sœurette qui courtise le mari ouvertement, en se souciant de sa sœur comme de Jean de Vert ; un mari que cet amour agace et à qui sa femme répète : « Il faut la laisser t’aimer pour qu’elle guérisse, c’est une cure. — Guérison ! Vous parlez tout le temps de ça comme d’une maladie ! » Au fond, son amour-propre de mâle est flatté, mais il est excédé par cette passion de jouvencelle, et par cette situation d’homme aimé de deux femmes, dont l’une ne lui dit rien. C’est une vie insupportable de supplications, de complications, d’explications, de gêne, de mensonges gratuits ; toutes les délicates roueries et tous les ennuis de l’intrigue, sans aucune de ses compensations, des querelles, des scènes, des interrogatoires, une atmosphère voilée de vapeurs féminines, de fureurs, de tendresses, de reproches, de caresses, de larmes. Quand arrive son voisin Victor, on comprend le cri de Georges empêtré dans tous ces jupons : — « Un homme ! Enfin ! » L’arme de la sœurette, est le chantage. Elle ne parle que de se tuer. Sa sœur est dans des transes perpétuelles. Le mari,