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Il dira encore — et je le cite car rien ne vaut sur un homme le témoignage de l’homme même :


« Je suis un grand liseur et un grand coureur de galeries et de musées. De plus, j’aime à fixer par une lecture l’impression que m’a donnée un objet d’art ou de curiosité. C’est une façon de s’instruire en s’amusant que je recommande à tout le monde. Voir d’abord, ensuite savoir. En revenant d’une visite aux salles égyptiennes du Louvre, je relis le charmant Roman de la Momie, de Th. Gautier, ou les admirables paroles prononcées par Isis, dans la Tentation de saint Antoine, de Gustave Flaubert, et, le lendemain, pris du désir d’en savoir davantage, je vais à la Bibliothèque feuilleter le grand ouvrage de Leipsius ou parcourir les travaux de M. Mariette ou de M. Maspéro. Puis, la folle du logis se met de la partie. Pendant huit jours, je ne rêve plus que d’obélisques, d’hypogées, de sphinx et de pyramides, de dieux à tête d’épervier promenés en barque sur le Nil, de Pharaons impassibles sur leurs trônes, les mains sur les cuisses et coiffés de l’urœus sacré, et de tous les mystères de l’Égypte antique. En sortant du musée de Cluny, où ma flânerie s’est arrêtée devant une armure niellée et damasquinée d’or, j’ouvre volontiers Froissart ou Joinville, et me voilà parti pour les croisades, les nobles pas d’armes et les grandes chevauchées. La méthode est excellente, je vous assure. La vue d’un bouclier de bois doré, avec ses deux doigts levés pour bénir et ses yeux hypnotises, fait mieux comprendre le beau livre d’Eugène Burnouf. Au souvenir d’un portrait historique s’éclaire et s’anime une page de Saint-Simon. Une statue grecque est complétée par un chant d’Homère et un primitif italien par un évangile. »


La confession est jolie et d’un tour ingé-