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pable de légiférer et de me mêler du gouvernement ; je suis poète, rien de plus ; je tâche de faire des vers de mon mieux, et c’est encore, ce me semble, le meilleur moyen que j’aie d’être un bon et utile citoyen. »

L’ami de Coppée, dont j’ai cité plus d’une page, a d’ailleurs recueilli quelques-uns des propos et certaines confidences du poète. C’est en causant que l’homme déshabille sa pensée et se peint tout entier :

« Coppée, écrit M. Chennevière, exprime ses sympathies littéraires avec la franchise de la conviction. En parlant de Victor Hugo, il s’écriait l’autre jour : « C’est notre grand patron à tous. Il a des vers qui durent vingt-quatre heures ! » Il disait une autre fois, dans un élan de fervente et respectueuse admiration : « C’est le plus grand génie lyrique que la France ait produit. C’est comme le soleil de notre littérature moderne, et ses rayons ont pénétré partout. Et aujourd’hui même que nous le voyons, avec une poignante mélancolie, décliner vers son couchant, il lance des lueurs si splendides qu’elles ne permettent pas de distinguer les faibles et timides étoiles qui resteront seules dans notre ciel poétique quand il aura majestueusement disparu derrière l’horizon. »

Et Chateaubriand ? Gustave Flaubert, fatigué d’entendre pendant huit heures d’horloge le piano d’une voisine, disait : « Je me venge en lui hurlant par la fenêtre des pages entières des Martyrs ou des Natchez. » Coppée n’en est pas à défendre sa tranquillité par ces moyens héroïques, mais il aime autant que l’aimait son illustre ami cette prose majestueuse.

Du reste, il place très haut Flaubert lui-même : « C’est un des premiers prosateurs du siècle, disait-il ;