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Labiche donna le ton à l’admiration définitive et prononça le mot décisif en comparant Labiche à Téniers, en louant cet esprit joyeux, profond dans sa gaieté, franc comme la santé.

Je n’avais jamais lu, dit M. Augier, ces pièces qui m’avaient tant réjoui à la scène ; je me figurais, comme bien d’autres, qu’elles avaient besoin du jeu abracadabrant de leurs interprètes, et l’auteur lui-même m’entretenait dans cette opinion par la façon plus que modeste dont il parlait de son œuvre. Eh bien ! je me trompais, comme l’auteur, comme tous ceux qui partagent cette idée. Le Théâtre de Labiche gagne cent pour cent à la lecture : le côté burlesque rentre dans l’ombre et le côté comique sort en pleine lumière ; ce n’est plus le rire nerveux et grimaçant d’une bouche chatouillée par une barbe de plume, c’est le rire large et épanoui où la raison fait la basse.

Qui écoute Eugène Labiche retrouve, d’ailleurs, dans sa causerie, l’esprit même de son théâtre. Cet homme solide, beau comme son père dont le portrait orne son cabinet de travail et comme son fils, dont il est très fier, est un causeur exquis, poli, mordant et doux à la fois. Il y a comme de l’Érasme dans le visage de ce satirique aux traits pleins de malice et aussi d’indulgence. Labiche affecte, dans ses saillies (c’est une remarque d’Hetzel), une bonhomie prudhommesque qui donne un carac-