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tels qu’ils sont, graves, laborieux, honnêtes, dévoués à l’idée de patrie, nous semblaient tous à peu près pareils aux Alsaciens d’opérette qui vendent leurs balais sur un air d’Offenbach.

Or les Alsaciens sont rares qui vendent des balais, ou s’en servent pour balayer nos boulevards. Presque tous ces honorables industriels étaient ou Badois ou Wurtembergeois. Mais — que voulez-vous ? — on trouvait « drôle » cet accent alsacien et on se plaisait à s’en amuser lorsqu’on le rencontrait sur les lèvres de Prussiens. Le jour où Erckmann et Chatrian ont risqué sur la scène des Alsaciens attendris et rêveurs, ils ont joué gros jeu. Le public tient à ses habitudes et n’aime pas à voir sous un point de vue sérieux des choses qu’il s’est habitué à regarder sous un jour comique.

Il appartenait ainsi à ces deux écrivains fraternellement unis de faire passer dans leur œuvre le sérieux attristé de leur vie. Ils ont payé leur dette personnelle à la conquête. M. Erckmann avait une sœur, restée fille et demeurée à Phalsbourg, dans la maison paternelle où elle était née, où elle avait grandi et vieilli. Mlle Erckmann avait vu le jour pendant le premier siège de Phalsbourg, celui qu’Erckmann et Chatrian ont