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vidu. Le héros de MM. Erckmann-Chatrian, ce petit Joseph Bertha, héros contrainte l’héroïsme, la baïonnette dans les reins, oublie un peu trop qu’il s’agit, dans cette journée, de la fortune de la France, pour se souvenir trop souvent de la douleur qu’il éprouve à se voir séparé de sa jeune femme. Évidemment, il doit souffrir ; mais nous, Français, pouvons-nous le plaindre ? Ce n’est pas Joseph, c’est la bataille qui nous importe. Napoléon lui-même n’est ici qu’un personnage de second plan, pour ainsi dire ; qu’il soit battu, renversé, blessé à mort dans son orgueil et sa folie, qu’importe ! Il n’est qu’un comparse : l’acteur principal, c’est la Patrie. Je comprends bien le point de vue de MM. Erckmann-Chatrian, et je l’approuve : faire détester la guerre, encore un coup, montrer quelle réalité sinistre se cache sous sa poésie, poésie si puissante qu’un jour elle tenta et grisa Proudhon. Mais Waterloo n’est pas une guerre, c’est un duel suprême, une convulsion dernière, le dernier enjeu d’un peuple qui met sur le tapis, non plus sa liberté, mais son indépendance. Maudite soit l’ambition qui veut de ces carnages, comme les idoles barbares exigent des sacrifices humains ! Mais, à l’heure où la garde