Page:Claretie - Erckmann-Chatrian, 1883.pdf/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une bataille ? » Ce sont ces assassinats légaux, officiels, héroïques, récompensés et rentés, que comptent les auteurs du Conscrit de 1813 et du Blocus. C’est le sang anonyme de la foule qu’ils versent dans leur encrier. Tout homme qui s’attache énergiquement à la poursuite d’une vérité ou à l’attaque d’une iniquité qui risque fort de s’imposer à la fin. Il faut le dire et le redire : c’est encore l’honnêteté virile qui réussit le plus souvent dans le monde. MM. Erckmann-Chatrian ont avisé une ennemie, une terrible ennemie, et ils ont tout droit marché à elle. Ils ont déclaré à la guerre une guerre sans merci et, dans tous leurs livres, avec une persistance heureuse, c’est elle qu’ils montrent nue dans sa sanglante horreur. Les grandes tueries de la bataille, les petits meurtres de l’embuscade, les conscrits blonds qu’une balle couche dans un fossé, le front troué, à cinq cents lieues de leur pays ; les fiancées dont la levée en masse fait des veuves ; les mères qui tremblent, le soir, en entendant le vent faire au loin le bruit du canon ; les soldats harassés qui rentrent des campagnes inutiles et qui, après avoir versé leur sang un peu partout, se trouvent éclopés et vieillis, avec la misère devant