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tent la bataille gardent encore comme une odeur de poudre. Mme Thérèse est laissée pour morte, et le petit Jean suit, en pleurant, son bataillon, qui va s’abriter sous les bois. « Il avait la caisse sur l’épaule, et le dos plié pour marcher : de grosses larmes coulaient sur ses joues rondes, noircies par la fumée de la poudre. Son camarade lui disait : « Allons, petit Jean, du courage ! mais il n’avait pas l’air d’entendre. » Vous pensez bien que Mme Thérèse n’est pas morte. De braves Allemands (on éprouve quelque peine à écrire ces mots aujourd’hui) la recueillent, la soignent, la guérissent, et ce sont les conversations de la cantinière française avec les villageois qui forment, pour ainsi dire, le libretto d’après lequel MM. Erckmann-Chatrian ont écrit d’éloquentes variations sur la liberté, l’égalité, l’esprit moderne et le progrès. Cette femme représente la France. Les auteurs ne l’ont pas au hasard choisie parmi les compatriotes de Jeanne d’Arc : le sang lorrain bout dans ses veines. L’esprit nouveau — nous sommes en 1792, — le vent d’émancipation, celui qui soufflait au front de Goethe à la veille de la canonnade de Valmy, le souffle de liberté