Page:Claretie - Erckmann-Chatrian, 1883.pdf/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

poignante des ressouvenirs nationaux était la vraie littérature populaire de ce temps, et ils écrivirent désormais la chronique du peuple, la légende des ignorés. Dans une de ses admirables leçons du Collège de France, — leçons trop peu connues[1], — J. Michelet parlait un jour de tout ce qu’il y a d’histoire inédite dans la foule, dans les inconnus, les illettrés : « Tous les jours, disait-il, pendant que vous êtes là, dans votre chambre, à lire je ne sais quels livres, les histoires de la Révolution, peut-être la mienne, eh bien, je crois que dans ces moments, vous entendez, sans vous en douter, la Révolution, l’Empire qui passent. Je parle de cet homme de soixante ans, davantage peut-être, qui, d’une voix enrouée, crie telle marchandise, qui se lève pour vous avant le jour, pour vous vendre je ne sais quoi. » Je vous le dis, c’est la Révolution, c’est l’Empire qui passent, qui continuent, messieurs, leur marche infatigable. De sorte que si vous mettez la tête à la croisée, vous trouverez que c’est la chose même que vous croyez lire dans vos livres, et

  1. Je prends ces lignes dans le Cours de Michelet (1847-1848), volume publié en 1848 par Chamerot et qui est rare, presque introuvable.