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même village, un de ces villages alsaciens, allemands d’aspect et français de cœur, paisibles à l’apparence, et qui recèlent parfois des drames terribles. Le bon bourgmestre Mathis n’y a-t-il pas tué un juif polonais ? Mais ces rues sont si propres et nettes, ces maisons de bois luisantes ! Quel sentiment de bien être et de satisfaction calme ! Les poules picorent dans les rues, les enfants roulent les uns sur les autres, comme des tas de chair rose aux cheveux couleur de seigle. Les femmes et les filles, assises sur le seuil des portes, travaillent en chantant quelque refrain du pays, comme la valse de la Lauterbach Lied. Les vieux lisent, les jeunes travaillent. Les garçons en gilets rouges, à vestons brillants, circulent d’un air faraud. Par les fenêtres entrouvertes, on aperçoit, dans la salle à manger, les longues tables bien astiquées. Les assiettes de faïence de Strasbourg sont placées sur le dressoir ; le poêle brille comme une lune claire, le coucou marque l’heure du repas, et, dans la cuisine, fument la Sauerkraut et les bonnes saucisses. La servante aux bras nus rejette ses tresses blondes sur ses épaules pour être plus à l’aise, en tirant la bière du tonneau. Les