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et lui avait arraché ce cri… C’était la mère Coussac qui l’avait pris aux jambes et le mordait et le mangeait pour qu’il lâchât prise.

« Et nous nous tordions par terre, comme des vers. Mais cette fois, ce ne fut pas long ! Catherine était debout, elle m’aidait à maintenir le bras armé, ou plutôt elle lui arrachait le couteau et, par le cou, de ma main droite je tenais l’homme et le serrais à l’étouffer… Et puis, dame ! on accourait au bruit. Le maréchal des logis Bugeaud arrivait avec un camarade… On m’aidait à maintenir le gredin ; on le soulevait, on le traînait, on lui mettait les menottes et on le poussait et le portait à travers la foule qui maintenant, le voyant pris, voulait l’écharper, — sans savoir, — cette brave foule qui tout à l’heure en avait peur.

« Il était d’ailleurs temps qu’on arrivât. Ouf ! Je n’en pouvais plus. Je m’en allais, je m’en allais… Et. — c’est bête comme chou pour un gendarme, — je m’évanouis, ma foi, en perdant mon sang. Mais j’avais la sensation que des bras blancs me soutenaient et, au lieu du couteau de Nontron, là, au dessus de ma tête, j’apercevais maintenant, comme dans un brouillard, les grands beaux yeux de Catherine qui souriaient. »

IV

« Voilà, d’ailleurs, comment un coup de couteau fut cause d’un bon mariage où il n’a jamais été question de coups de canif. Ma blessure guérit, je n’ai pas besoin de vous le dire, puisque me voilà ; mais elle guérit deux fois plus vite parce que ce fut Catissou qui la soigna. Elle devenait une sœur de charité, la femme silure, et quand je fus sur pied : « Tope là ! qu’elle me dit. Vous me plaisez, je vous plais, et je vous jure d’être une brave femme ! » La grand’maman Coussac, qui dort maintenant à Louyal, vivait encore ; le mariage de Catherine fut sa dernière joie, pauvre bonne vieille ! Je me trompe : sa dernière joie fut le jugement de la canaille qui avait tué le maître maçon.

« C’était un gâcheur de plâtre, un nommé Marsaloux, de la Souterraine, dans la Creuse, — un député de la Creuse, comme on dit, — et qui, s’étant présenté chez M. Sabourdy pour travailler, y avait entendu parler de l’argent confié par le patron à Léonard Coussac et alors, excité par la chose, s’était dit : « Tiens, il y a un coup à faire ! » Et il l’avait fait ! Tout seul. Pas de complice. Un paresseux, avec un poil dans la