Page:Claretie - A. Dumas fils, 1882.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il fit un livre ému, il fit un livre durable.

Depuis, M. Dumas s’est demandé si Marguerite Gautier méritait bien d’être chantée. Un critique allemand le comparaît naguère à un médecin de talent qui sauverait ses malades après les avoir empoisonnés. Empoisonnés est un mot bien brutal et un peu trop teuton. Ce qui est certain, c’est que, même au temps où il racontait la mort de la Dame aux Camélias, dès la première édition, Dumas ne donnait l’histoire de Marguerite Gautier que comme une exception :

« Je ne tire pas de ce récit, disait-il, la conclusion que toutes les filles comme Marguerite sont capables de faire ce qu’elle a fait ; loin de là ; mais j’ai eu la preuve qu’une de ces filles avait éprouvé dans sa vie un amour profond, qu’elle en avait souffert et qu’elle en était morte ; j’ai raconté ce que je savais ; c’était un devoir. — L’histoire de Marguerite est une exception, je le répète ; mais si c’eût été une généralité, ce n’eût pas été la peine de l’écrire. »

Je ne sais si, comme le dit M. Dumas, écrire ce livre était « un devoir » ; mais, à coup sûr, c’était « un droit ». Et le livre est digne