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« Si l’on savait, nous disait un jour Alexandre Dumas, ce que j’ai mis de moi dans mon œuvre, ce que j’ai utilisé de ma vie dans mon théâtre, ce qu’il y a de dessous dans mes pièces ! Je raconterai, autant que je le pourrai, ce passé, je montrerai ces sources d’émotions et d’études dans l’édition, destinée à mes seuls amis et tirée à quatre-vingt-dix-neuf exemplaires seulement, que je fais imprimer à Dôle. Mais que voulez-vous ? On ne peut tout dire, même à voix basse, même dans une édition à huis clos, et ce qu’on ne peut imprimer, c’est le plus curieux de la vie d’un homme ; voilà pourquoi ses biographies, d’ordinaire, ne signifient rien. »

M. Dumas a cinquante-sept ans aujourd’hui, étant né le 27 juillet 1824. Il est Parisien ; il a de Paris la verve, l’alacrité, le trait qui vibre, le mot pareil au coup de fronde du gamin biblique. Grand, solide, les cheveux d’un blond grisonnant rejetés en arrière, légèrement chauve déjà, la moustache hérissée, bien vivant, avec un rictus narquois relevant comme la courbe d’un arc sa lèvre supérieure — expression sardonique admirablement rendue par Carpeaux dans son buste célèbre, — il passe à travers le monde parisien comme un conquérant, sans fracas et