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étendues à quarante-trois statues et sur quatre-vingt-dix proportions. Certainement ce n’est pas là ce qui suffit pour produire une belle statue, pas plus que le compas et la règle pour ériger un beau monument. Là n’est pas le génie qui donne l’âme, la vie au marbre, au bronze ; mais cela n'y nuit pas. Si les statuaires de l’antiquité se sont élevés à une perfection si désespérante pour ceux qui les ont suivis, c'est sans doute en s'attachant à des principes qu'ils avaient puisés dans la contemplation et l’étude de la nature la mieux choisie ; et si le Doriphore de Polyclète leur servit de canon ou de règle pour les proportions d'un guerrier aux formes jeunes, élégantes et vigoureuses : n'est ce pas une preuve qu'ils ne craignaient pas que leur génie bouillant se refroidît en s’astreignant à des règles qui avaient établi d'une manière positive le type de la beauté, telle qu'elle convenait à la sculpture, déité grave, sévère, qui, née dans les temples et parmi les dieux, aurait dédaigné d'employer son ciseau à des productions qui n'eussent pas été dignes de ses hautes pensées ? Aussi les artistes anciens ne faisaient ils nulle difficulté de se soumettre aux types qu'ils devaient aux sublimes inspirations du génie des Phidias, des Alcamène, des Myron, des Polyclète, des Scopas, des Praxitèle et d'autres grands maîtres qui laissèrent au monde des modèles qu'ils semblaient avoir dérobés aux cieux, et que les artistes se faisaient une religion de suivre comme les leçons des dieux. Il ne nous est parvenu que bien peu de l'héritage de ces grands hommes ; mais ce sont encore ces précieux débris et l'étude de la belle nature, vue avec le sentiment des Grecs, qui seuls peuvent nous donner les conseils les plus sûrs. Heureux s'ils nous éloignent de ces faux systèmes, plus faciles, mais trompeurs, qui, en nous offrant pour modèle la nature quelle qu'elle soit, nous conduiraient bientôt à l’idéal de la laideur ; et il ne serait pas difficile de citer de pompeux et hideux exemples qui, s'ils étaient suivis, menaceraient la sculpture d’un si désastreux avenir.

Après avoir familiarisé le lecteur avec la pratique et les expressions de la sculpture en général et de ses différentes branches, nous lui ouvrons les portes du palais qui en renferme tant de chefs-d'œuvre. Remontant, autant qu'il nous a été possible, à l'incertaine origine de cet antique château de nos rois, nous cherchons à y jeter quelque lumière et à soulever le voile mystérieux et obscur qui la couvre. Les documens que l'on peut tirer des chroniques et de nos [XLV]