il partageait avec eux les regards et les hommages de tout un peuple. Aussi n’est il pas étonnant que la sculpture cherchât, en embellissant les images des grands hommes, à les rapprocher de celles des divinités, avec lesquelles elle pouvait leur trouver quelques rapports. Des statues et des bustes de personnages célèbres offrent des témoignages de ce système d’idéalisation des portraits, embellis par l'imagination des statuaires. Sous le rapport de la beauté des traits, ils présentent de grandes différences avec les têtes des mêmes personnes plus vulgairement vraies des monnaies ou des médailles. Cette vérité ci était pour la multitude, la ressemblance embellie ou idéalisée était pour les esprits plus élevés et les yeux plus familiarisés avec les hautes conceptions de l'art.
Beaucoup de statues ne doivent leurs noms, leurs titre et souvent la plus grande partie de leur ensemble qu'aux sculpteurs qui les ont rétablies. Il en est tant qui ne nous sont parvenues que mutilées, privées de leur tête et des attributs qui les caractérisaient, que, faute de ces preuves à l'appui de la restauration, elle a dû souvent être très-arbitraire. Aussi en est il résulté bien des usurpations et de fausses dénominations. L’on a dû fréquemment se tromper sur l'analogie que l’on a cru trouver entre telle ou telle statue connue et le fragment plus ou moins considérable que l'on voulait compléter ; plus d'une fois, de simples mortels, dont les têtes-portraits n'existaient plus, auront reçu de nous les honneurs de l'apothéose, et, élevés au rang des dieux, ils ont accru notre Panthéon statuaire. Plus d'une de nos Vénus étaient sans doute de jolies femmes, dont les statues, retraçant leur image, servirent d'ornement à leurs bains et conservèrent au sein de leur famille Ie souvenir de leur beauté, qui probablement n'était pas exposée ainsi et sans voile aux regards du public. Elles ne s'attendaient peut être pas à ce qu'un jour, arrachées à leur asile, le secret de leurs attraits serait ainsi trahi et viendrait embellir nos musées ; car il est peu de Grecques ou de Romaines, si ce ne sont les émules des Phryné et des Laïs, dont les charmes faisaient toute la richesse et toute la gloire, qui n'eussent pas trop de pudeur pour souffrir de se voir offertes à tous les yeux dans un aussi simple appareil que les statues de plusieurs de leurs déesses. Mais ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans des détails sur ce sujet et d'apprécier les titres et les prétentions des statues antiques ; nous ne manquerons pas d'y [XXXIII]