Page:Clarac - Musée de sculpture antique et moderne, 1841.djvu/34

Cette page n’a pas encore été corrigée

venu l'art, de cette beauté calme, plus variée dans ses formes que dans son expression, qui était le but des artistes grecs, et qu’on peut appeler idéale, puisque, n’appartenant complètement et dans toutes ses parties à personne, elle avait perdu le caractère de l’individualité, et que l'artiste n'en trouvait le modèle parfait que dans son imagination. Aussi reprochait on à quelques statuaires de grand talent d’offrir les désses sous les traits de leurs amies, dont la beauté admirable et digne de tous les hommages des hommes, et même de l'Olympe, ne justifiait pas leurs amans de les avoir élevées au rang des divinités. La beauté que la statuaire devait faire adorer ne se voyait nulle part et était l’apanage des dieux. On s’en était donc créé un type d’un caractère particulier, dégagé de toute idée d’individualité, et cependant il n’était pas hors de la nature ; c’était elle dans sa naïveté, dans toute sa perfection, vue avec âme, avec un sentiment exquis, tel que celui d'un amant qui découvre dans l'objet de son affection des beautés qu'un œil froid et insensible n'y saurait apercevoir : c’était la réunion harmonieuse et combinée, avec un goût vif et épuré, de ce que, dans ses divers caractères, selon les sexes et l’âge, la nature pouvait présenter de plus beau et de plus élevé. Et ce choix, ramené à l’unité et à l’accord par les hautes conceptions du génie, était la poésie de la sculpture. Les médailles de rois et de personnages grecs nous montrent, dans leurs nombreuses séries, que le type de beauté suivi par les statuaires grecs, et tel que nous l'ont transmis quelques-unes de leur productions, n'était pas un caractère que présentât communément, quelque belle qu'elle fût, la population de la Grèce. Il n'y a nul motif de penser que ces souverains et ces hommes ne fussent pas de la même nature et aussi beaux, en général, que le reste de la population grecque, et il est bien à présumer que s’il nous était parvenu une iconographie des diverses classes de ce peuple, elle nous offrirait dans son ensemble les mêmes caractères de figures et les mêmes variétés que la suite des portraits conservés par les médailles et les marbres. Eh bien ! dans toute cette quantité considérable d’images, il en est très-peu, s’il en est, où l’on retrouve les types des têtes de divinités. On y voit très-fréquemment des nez bombés, aquilins, relevés ; des fronts, des formes de tête qu’on chercherait vainement parmi celles des dieux ou des héros, qui semblent être d'une toute autre nature, plus harmo- [XXXI]