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Herculanum, à Pompéi, et ils éprouvent, autant de regrets qu’ils peuvent espérer de jouissances. Ceci demande quelque restriction, ou du moins en demandait il y a quelque temps ; car l’habile architecte M. Bonucci, directeur des fouilles de Pompéi, un homme éclairé et zélé pour le progrès des arts et de l'archéologie, avait eu le bon esprit de faire lever l’interdit qui pesait sur Pompéi, et grâces à lui il était permis d'en prendre les dessins, les mesures et d'enrichir ses portefeuilles. Mais j’ai appris (1839) que l’on n’avait pas joui longtemps du bienfait de cette heureuse permission, et qu’à présent on avait renouvelé, et avec toute rigueur, la proscription contre les calepins et les crayons : ce sont des objets de contrebande et devenus inutiles entre les mains des dessinateurs à Pompéi. Il en est de même à Pestum, où il faut user d'adresse et de subterfuges pour emporter un souvenir sur un bout de papier, si l’on n'est pas muni d’une permission bien en forme et duement conditionnée. Qu'on vous dise regardez, admirez, mais ne touchez pas, mira, ma non tocca, cela se conçoit parfaitement, et cela même doit être ainsi ; car on voit de grands, beaux et solides monumens pour ainsi dire ruinés ou du moins dégradés par les indiscrètes mains qui les touchent, frottent et polissent, et qui y gravant profondément, sur Ie marbre ou sur la pierre, des noms qu'on n’est nullement curieux de connaître et de conserver, font de ces vénérables restes des espèces de bureaux d'adresses, ou d'affiches, et des archives d'amour, de regrets, de peines, de plaisirs et des plus sottes réflexions. Qu'on cherche à préserver de ces insultes les monumens, rien de mieux, et l'on ne saurait être trop sévère sur ce point : mais quel tort leur ont jamais causé les regards et le crayon qui les retracent sur le calepin de l'artiste ou de l'amateur ? Des milliers auraient ainsi exprimé leur admiration à Pompéi, à Pestum, qu'il ne serait pas tombé une écaille des pierres de leurs murailles, du marbre de leurs statues ou des couleurs de leurs peintures. On dirait vraiment que de telles défenses ont été lancées par des gens qui croient sérieusement aux sortilèges, au malochio, au fascino, à la jettatura, et qui craignent qu'on ne jette des sorts sur leurs monumens. Autrefois j’ai vu de pareilles gens en Italie ; mais c'étaient des paysans d'endroits écartés, peu fréquentés, et qui n’aimaient pas à me voir dessiner leurs chaumières ou leurs bestiaux, sur lesquels ils croyaient que je jeterais un sort. A Naples, aujourd'hui, [XVII] accorderait-