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LES JACQUES

le travail, pour son plaisir ou son confort, ces paysans dont les récoltes germaient pour lui avant de germer pour eux, ces bigres qui n’osaient dérober un rayon de miel aux abeilles qu’ils soignaient, les meuniers qui réservaient à sa table la fine fleur du blé, les bergers qui menaient en pâture sur les champs de tous ses vassaux les troupeaux qui n’étaient qu’à lui, le tisserand qui tissait laine et soie pour son seigneur quand il ne possédait même pas de linceul. Et tous tremblant au souvenir de châtiments impitoyables pour la plus légère offense au droit absolu, quasi divin d’une noblesse rude et cruelle. Frappe-Fort était arrivé un des premiers avec Grégoire et Rouge Le Bâtard. Près de Guillemette, le visage pâli de Georget se penchait au-dessus de la bonne figure triste de Guillaume. Sec, long, tanné de soleil et de bise, Adam le berger coudoyait Gauthier qui sentait la porcherie. L’Agnelet voisinait avec Benoist le meunier et Pierre aux vêtements gluants du sang des bêtes. Pascal le métayer se trouvait là, et d’autres, les faibles, les résignés doutant qu’une aube put venir où Jacques Bonhomme las de gémir, gronderait et mordrait. Tous les bourgs, tous les hameaux étaient représentés, mais chaque nouveau venu se voyait arrêté par Rouge Le Bâtard campé près de l’entrée. Et chacun prononçait les mêmes mots : Par Karle notre roi, qu’elle chante haut et clair, et bientôt ! - -96-

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