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LES JACQUES

de son grenier ou de son étable, car il faudra que tous fassent serment d’honorer la promesse qu’en leur nom notre seigneur vénéré fit à l’Anglais, dont nous devons subir le joug.

« D’ores et déjà, devant son messager, nous l’assurons de notre loyauté et bonne foi. Qu’en ce jour de joyeuse délivrance, soit remerciée la Providence qui nous permet, en sa mansuétude, de saluer bientôt la venue en ses tours d’Enguerrand III, notre maître à tous. »

Un silence de mort suivit cette harangue que l’intendant avait prononcée à fréquentes reprises de souffle. Les ahaniers se regardaient du coin de l’œil, n’osant rien laisser paraître sur leur visage de la consternation qui leur désolait l’âme.

Remettant droit son bonnet, de la forme d’un large turban, que la chaleur de l’improvisation avait fait glisser d’une oreille à l’autre, messire de Boisjoly voulut terminer de façon noble. La dextre levée comme tenant une épée imaginaire, il cria de sa voix aigrelette :

— Acclamez tous : Vive Enguerrand III, sire de Coucy et aultres lieux !

L’enthousiasme faillit lui être fatal, le coursier du chevalier, qui s’ébrouait d’impatience, donna de la croupe contre la paisible monture de l’intendant qui faillit rouler à terre. Mais d’une main ferme le chevalier le remit en selle et ceci compromit gravement la majesté de l’acclamation.

Malgré leur tristesse on entendit rire parmi les

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