Page:Clar - Les Jacques, 1923.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES JACQUES

— C’est avis que je partage, fit messire de Boisjoly. À tailler dans le vilain, on trouve toujours à recoudre, l’étoffe n’y manque point. Vilain foisonne, comme vermine au soleil.

— Dieu les créa de grande croissance, car il jugea que vingt manants ne valaient pas le petit doigt d’un seigneur.

— Hola, sire chapelain, vous me voyez marri d’ouïr comparer le petit doigt d’un seigneur à la matière grossière dont est bâti un vilain. Nous-mêmes sommes certainement d’autre essence.

De bonne foi, l’intendant le croyait. Il n’eut certes point fallu gratter l’enveloppe pour retrouver en lui le rustre qu’était resté son grand-père, métayer besogneux, dont le fils, par bassesse et servilité, avait su devenir l’indispensable pourvoyeur des œuvres criminelles de Bertrand de Coucy et l’exécuteur de ses cruautés.

Le petit-fils se montrait tout autant âme vile et cupide, s’emparant insolemment du nom de Boisjoly dont, par dérision, Bertrand de Coucy avait affublé le père. Auprès d’Enguerrand, l’intendant remplissait toutes les fonctions serviles reçues en héritage, et c’était des mains de son seigneur qu’il avait accepté en mariage Jacqueline, fille du métayer d’une des fermes que louaient les Prémontrais à quelques laïcs.

— Il est grand temps, reprit messire de Boisjoly, que la domination d’un maître se fasse sentir céans. Dame de Coucy sait prier plus que gou-

— 69 —