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LES JACQUES

Ayant détaché Douce au Pas qui essayait de découvrir quelque herbe maigre, le moine sauta hardiment en selle et tendit la main à Guillemette. Habituée à cet exercice, la jeune femme s’enleva d’un bond preste, s’assit derrière le moine, et la mule trotta. Le mal l’a pris hier matin, disait Guillemette, il s’est mis à parler seul, à dire des mots de fièvre. Que lui as-tu donné ? — De la tisane de plantes, de la rue et de la bourrache. Au soir, il se calmait, mais aujourd’hui il est plus dolent encore. Et c’est vous qu’il appelle. Par un raidillon qu’elle montait d’un sabot sûr, Douce au Pas cheminait vers la cabane à la lisière du bourg, où Guillemette, fille d’un laboureur, habitait avec Guillaume, son époux, et son frère Georget. Ce qu’était la misère d’un village à cette époque, certains hameaux des Ardennes peuvent en donner une idée à peu près exacte : cabanes de torchis ou de bois couvertes de chaume, de roseaux, de tourbe, parfois simplement de terre battue, habitations dans lesquelles s’entassaient pêle-mêle les gens du sillon. Dans la plupart, une seule pièce obscure, se surmontant d’un grenier au toit très élevé où couchaient les hôtes du logis. A l’entour, des champs à peine cultivés, des bêtes maigres, efflanquées. Deux ou trois métairies plus prospères, louées par le monastère des Prémontrais à des laïcs. - - 57 —

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