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LES JACQUES

« Ainsi mourut mon père, Luc le Bûcheron, prononça gravement Frappe-Fort. Et depuis ce jour, celle qui avait été sa compagne, jamais plus ne parla. Souvent, ma sœur Loyse et moi nous eûmes grand peur, devant cette figure muette, terrible, dont les yeux seuls semblaient vivre, ces yeux qui avaient vu la chose horrible. »

— Que penses-tu de la Providence ? frère Loys demanda Rouge le Bâtard, au moine.

— Elle n’a rien à compagnonner avec la férocité des hommes. Ils attireront sur eux la colère divine, et ils seront châtiés.

— Il serait temps, ricana le soldat.

— Les lâches ! fit L’Agnelet. Mais que sont devenues les deux filles de Jean le Tisserand ?

— Jeanne, répondit Rouge Le Bâtard, un jour, dans sa démence, se croyant poursuivie, quitta le pays, entraînant son petit d’une douzaine d’années en ce temps. Ce fut une compagnie de soldats qui les sauvèrent des loups, recueillant Jeanne presque mourante. Quand ils l’eurent couchée dans un coin de cimetière, ils emmenèrent l’enfant. Et voici, L’Agnelet, comment on devient un Mauvais Garçon.

— Oh ! frère, répondit L’Agnelet, les yeux pleins de larmes, pouvais-je savoir ! Et Alyse, qu’en advint-il ?

Un cri rauque, une plainte de bête, glacèrent les amis. Agrippée de ses mains osseuses à l’escabeau que venait de quitter le forgeron, à travers ses

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