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IV


Tout en mangeant dans des écuelles de bois grossièrement taillées, une soupe aux fèves, assaisonnée de lait caillé, rompant un pain d’orge et de seigle mélangés, Frappe-Fort et Rouge Le Bâtard réveillaient en leur mémoire des souvenirs endormis.

L’Agnelet partageait le repas, avide de connaître une histoire dont il ignorait tout. Par terre, les jambes croisées, Grégoire attendait avec impatience, lui aussi, les récits que nouaient, par bribes, les propos du soldat et du forgeron, assis face à face sur des escabeaux. Indifférent à tout, La Grelotte était allé s’accroupir auprès de la vieille et de la chienne. Son écuelle sur ses genoux, il leur passait des morceaux de pain noir qu’elles avalaient, tour à tour.

— Comment as-tu vécu, Rémy, depuis notre séparation ? interrogeait Frappe-Fort.

— De-ci, de-çà, point toujours honnêtement, selon la loi de tout bon soldat qui ne touche pas sa solde. J’ai vendu mes bras et mes jambes au service de qui avait à se battre, et ne me suis guère enrichi à ce métier.

— Tu as dû passer de tristes aventures ?

— J’ai vu partout, en grande misère, la guerre ravager le pays plat, les brigands triomphants

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