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LES JACQUES

L’artisan et la noble demoiselle avaient croisé leurs regards. La fureur étincelait aux yeux de la cavalière, mais Frappe-Fort n’avait pas baissé les siens.

— Tu es bien audacieux, manant, disait Margaine de Coucy d’une voix sifflante.

— Votre haquenée allait être cause d’un malheur que Votre Seigneurie aurait fort regretté, répondait le forgeron avec calme.

Frappe-Fort l’avait revue depuis, belle sous un toquet de velours bleu, ses tresses fauves serrées aux tempes, le corps épanoui superbement en un riche vêtement de cheval. Jamais elle ne parut le reconnaître, quand elle passait, enlevant sa monture d’un bond hardi. Que lui voulait-elle aujourd’hui ? Avait-elle oublié, ou rêvait-elle de quelque vengeance longuement méditée ? L’immense fierté des Coucy dont l’insolente devise les égalait au roi ne lui permettait pas de croire au pardon de la noble demoiselle. De quelle façon chercherait-elle à le frapper ? Le cœur serré, Frappe-Fort songeait à un triste et doux visage de femme. Il redoutait le lendemain.

Louvette interrompit ses réflexions. L’échine hérissée, elle pointait du museau vers le dehors. D’un allongement lent, elle se dressa, grognant.

— Paix, Louvette, dit Frappe-Fort.

Il savait d’ailleurs qu’il n’imposerait pas silence à la chienne. Louvette pressentait une présence étrangère. Elle vint à la porte, faisant entendre un bref aboi.

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