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LES JACQUES

l’intendant accumulait les vexations, les charges, les sévices, accaparant une bonne part de la haine qu’inspiraient ses nobles maîtres, jugeant, ordonnant, condamnant en lieu et place d’Enguerrand VI de Coucy.

Ce matin qu’il devait rencontrer L’Agnelet, messire de Boisjoly, avant de traverser à gué l’Ailette, en cet endroit peu profonde, fit un détour pour passer devant la forge, située à l’écart du village.

Quand il y fut, la porte se trouvait poussée.

— Holà ! cria-t-il du haut de sa monture.

Dans l’antre noir, qu’éclairaient, par éclats, des gerbes d’étincelles, Frappe-Fort travaillait avec ses deux aides, Grégoire et La Grelotte. Orphelin recueilli presque dès sa naissance par le forgeron, Grégoire aux sourcils, aux cheveux d’un blond de paille, aux yeux verdâtres, aux joues piquées de taches de rousseur, était un maigre adolescent d’une quinzaine d’années, à la souplesse de chat de gouttière. Pour La Grelotte, garçon presque infirme, agité d’un tremblement convulsif, peureux de son ombre, il ne se voyait gardé de Frappe-Fort que par miséricorde.

Une chienne à demi sauvage, au poil rude des loups, complétait, avec une vieille femme, les habitants de la forge. Si osseuse et jaunie, couverte de hardes innommables, sans jamais parler à quiconque, cette vieille vivait accroupie en son coin enfumé. Nul n’y prêtait attention. Seule la

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