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LES JACQUES

dîmes, impôts de guerre, sans parler des ravageurs de toutes sortes qui détruisaient en germe sa moisson, s’abattaient dru comme grêle sur son dos, pour le dévorer vivant. Quand il croyait à la récolte, la chasse dévalait au travers du champ, ou quelque divertissement de ce genre, inventé par le désœuvrement du châtelain en mal d’ennui. Muré farouchement dans sa rage impuissante, Jacques Bonhomme ployait sous l’accablement d’un désespoir sans paroles.

Les serfs des sires de Coucy s’étaient rachetés, pour la plupart, en de lourdes redevances, depuis qu’Enguerrand de Coucy avait eu besoin d’une grosse somme pour suivre à la bataille le roi Jean le Bon, dont il partagea la captivité. Son cadet, Harold, ne se souciait que de chasse, forçant le sanglier auquel il ressemblait, avec sa barbe noire embroussaillée, son vêtement toujours taché et en désordre, le bonnet de poils lui couvrant la tête. Veuf après un très court mariage, il hantait peu le château, y laissait sa fille Margaine habiter auprès d’Agathe de Royaumont, épouse d’Enguerrand VI, et de ses deux enfants Liliane et Enguerrand, le septième du nom, en qui devait s’éteindre la race mâle des Coucy, quand il mourut, jeune encore, chez les Turcs.

Durant l’absence d’Enguerrand VI prisonnier, et de son premier officier disparu en guerre, messire de Boisjoly régentait le domaine. De souche roturière, ennoblie à force de bassesse servile,

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