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LES JACQUES

— Frère Loys, qui donc accusez-vous céans ?

Regardant obstinément la forme noire, impassible, frère Loys répondit :

— Que Votre Grâce demande à l’abbé Jérôme s’il est agréable à Dieu que l’on excite à rançonner, pourchasser, torturer de malheureuses créatures créées à son image et pour laquelle il s’est crucifié.

À cette attaque directe, le religieux releva enfin la tête. Frère Loys et lui se mesurèrent du regard, mais à force de volonté le Prémontrais éteignit la flamme dure en ses yeux noirs. Il ne répondit que du murmure de quelques mots qu’il prononça, penché vers le prieur.

Celui-ci reprit :

— On prétend, frère Loys, qu’à vouloir prêcher et guérir, le démon d’orgueil peut s’emparer d’un esprit et le perdre.

— Ai-je commis quelque action dont je doive rendre compte ? demanda frère Loys d’un ton dont la douceur voilait mal l’ironie.

Le prieur savait fort bien que le Franciscain échappait à sa justice. Il dompta sa violence pour répondre :

— Nous n’avons nul compte à exiger de frère Loys. Nous aurions seulement aimé apprendre de sa bouche que sa parole sème l’humilité. Car elle seule doit accueillir les souffrances que le Sauveur envoie aux hommes pour leur rédemption.

— Était-ce là le but de cette audience ? demanda frère Loys.

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