— Savez-vous, frère Loys, si Dieu n’a pas voulu ces épreuves ?
Le moine crut voir l’ombre ouvrant légèrement les yeux. Calme en apparence, frère Loys répondit :
— N’est-ce point faire injure à la bonté de Dieu que de la supposer capable de demeurer indifférente à tant de maux ?
— Comment un simple moine préjugerait-il des desseins de notre divin Sauveur, reprit le prieur d’un ton plus élevé.
— Je ne préjuge point, mon père, je sais seulement que celui qui donne la graine aux passereaux, ne saurait se réjouir du spectacle de pauvres gens affamés et meurtris.
— La main divine peut sembler lourde aux ignorants qui osent, dans la balance de nos actions, jeter le poids d’une présomptueuse rébellion.
— Une rébellion… répéta le moine, se donnant ainsi le temps d’apaiser le tumulte qui couvait en lui et présumant du piège tendu.
— Dieu n’abandonnerait-il pas à une juste colère les insensés qui oseraient braver la loi d’obéissance, qu’en sa sagesse il voulut imposer aux hommes ? demanda le prieur d’une voix forte.
— Dieu soutiendra-t-il des cœurs impitoyables, endurcis hors de sa loi de charité, jusqu’à l’extrême cruauté ?
Comme s’il allait bondir, le prieur se leva à demi. La colère qu’il ne contenait plus jaillit dans ces mots :