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LES JACQUES

qui formaient une misérable agglomération auprès de laquelle le plus pauvre de nos villages actuels semblerait un éden.

— La paix soit avec vous ! salua le moine. Tu me parais, camarade, plutôt mal en point.

— Par ma foi, c’est vérité, répondit le soldat. Que veux-tu, moine, on gagne plaies et bosses plutôt que richesses, au service des rois.

— Tu t’es battu contre l’Anglais ?

— Dis plutôt que l’Anglais nous a battus.

— Étais-tu à Poitiers ?

— Certes. J’y ai pu voir nos nobles seigneurs lâchant pied devant une poignée de mercenaires. Aussi la fuite ne m’a-t-elle pas paru déshonorante davantage que la captivité.

— Mais toi, L’Agnelet, reprit frère Loys, qu’as-tu donc au visage ?

L’Agnelet eut un geste de colère. Il ricana.

— Çà, fit-il, c’est la signature de messire de Boisjoly.

— T’aurait-il frappé ?

— Comme on fustige un chien, répondit-il portant la main à son visage. Mais il a écrit là quelque chose qui ne s’effacera pas de sitôt.

— Ils en feront tant, murmura le moine pensif, que la colère qu’ils auront soulevée retombera sur eux pour les écraser comme une meule. Et le bon grain périra avec l’ivraie.

— Tant pis pour le bon grain, riposta rudement Rouge Le Bâtard.

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