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LES JACQUES

Le paysan passa la main sur son front en sueur malgré le froid.

— Tant de misère, dit-il, tant de peine, on est mauvais, le cœur devient de pierre. Et puis tu as vu…

— J’ai vu et je ne te garde pas rancune de ton mauvais accueil. J’ai vu que sur les terres des sires de Coucy la violence est toujours la loi.

— Hélas !… Mais tu ne peux demeurer là. Où vas-tu ?

— Nulle part.

— Veux-tu que nous descendions ensemble, je te conduirai chez un ami.

— Le forgeron Frappe-Fort, peut-être ?

— Tu le connais ? balbutia le paysan.

— Je connais bien des choses, répondit le soldat, finissant de boucler son bissac.

Plus agile que lui, le paysan s’étant relevé, l’aidait à se remettre debout.

— Appuie-toi sur l’épaule de L’Agnelet, dit-il voulant effacer sa défiance de tout à l’heure.

— J’avais soupçon de ton nom, camarade, répondit Le Rouge avec un sourire.

— Tu savais ?

— Son chant montera clair, plus haut, plus haut encore, se contenta de répéter le soldat… Hé, frère, pas si vite, je ne puis te suivre avec ma jambe quasi démolie.

— Oh ! pardonne-moi, frère, dit L’Agnelet, tandis que sur son visage pâle se fonçait la marque

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