— Je te défends de m’appeler frère, riposta le paysan.
— Peut-être as-tu raison, fit toujours placide Rouge Le Bâtard. Mais pour le savoir, si tu me disais ton nom ?
— Qu’est-ce que mon nom peut te faire. D’ailleurs, continua-t-il cédant à un accablement soudain, possédons-nous seulement un nom ! leurs lévriers en ont un, mais nous !
— Tu te trompes, camarade, répondit le soldat se penchant sur sa blessure, il y en a. On m’appelle Le Bâtard, d’autres s’appellent L’Alouette.
À l’entendre, le paysan parut frappé d’une commotion. Sa tête qu’il avait laissé tomber sur sa poitrine, se releva et dans ses yeux fiévreux passa une lueur.
— Pourquoi dis-tu cela ? demanda-t-il presque avec douceur.
— Pour rien, comme ça, répondit le soldat.
Il continuait son sommaire pansement, sans regarder le paysan en proie à une incertitude visible.
— Là, voilà qui va mieux, cet onguent est souverain, la recette m’en fut donnée par un vieux moine. Ils ont du bon quelquefois, les moines.
— Dis-moi, commença le paysan…
Il n’alla pas plus avant.
— Le couvent de Prémontré garde-t-il toujours la châsse de saint Norbert ?