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LES JACQUES

— Tu me demandes qui je suis, répondit-il après ce silence hostile, tu le vois… Aïe ma jambe ! Maudite soit l’Angleterre qui me vaut de me traîner par les chemins comme un vieillard goutteux.

— Tu ne me réponds pas, reprit l’homme défiant. Qui es-tu ?

— Malgré que tu me paraisses peu aimable, je consens à te le dire. Je suis un soldat, surnommé Rouge Le Bâtard, qu’on aurait pu, tout aussi bien, baptiser Sans Avoir.

— Un soldat ! répéta d’un ton méprisant le paysan.

Puis, comme pour soulager ce qui s’amassait en lui de douleur et de hargne, il continua :

— Un de ces mauvais garçons qui nous pillent, arrachant de notre bouche le dernier morceau de pain noir, un de ces mille diables ravageant le pays plat et le laissant ras comme une tonsure. Ah ! tu es de ceux-là.

— Oui, riposta placidement Le Rouge. Ne saurais-tu pas de quels autres noms on nous nomme lansquenets, huguenots, pichiquins, écorcheurs et ce n’est pas fini, cela dépend du pays et de l’humeur du jour.

— Tu peux t’égayer de compter parmi ces bêtes fauves ? interrogea le paysan d’un ton dont la violence contrastait avec le calme du soldat.

— Que veux-tu frère, on ne choisit pas toujours son chemin.

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