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Sensations de Nouvelle-France

était-il alors à se dire, comme tous les désespérés : « À quoi bon ? »

L’avouerai-je ? c’est même là l’impression principale que, pour ma part, je rapportai de cette conférence de Boston. Oui, plus j’y pense, et plus je suis persuadé que M. Mercier dut achever, ce soir-là, de vider jusqu’à la lie la coupe de ses désenchantements. Je le revois toujours, se mouvant lentement en demi-cercle, dans un balancement régulier de pièce montée, l’avant-bras se levant et s’abaissant comme sous la poussée d’un mécanisme ; et j’entends encore cette voix sourde aux résonnances navrantes — la voix d’un porteur de mauvaises nouvelles — s’essayant sans cesse et quand même à porter la conviction chez ses auditeurs, à réveiller en eux quelque fibre secrète et ignorée. Et tout cela allait, roulait, dans tous les coins et recoins de l’immense salle, inutilement, comme des choses mortes et vides de sens, sans échos sympathiques chez tous ces gens aux tempéraments desséchés de Yankees, qui ne comprenaient pas, qui ne pouvaient pas comprendre.

Cela, voyez-vous, ce fut vraiment trop. M. Mercier avait dû, évidemment, faire beaucoup de fonds sur ses compatriotes habitant les États-Unis, où, semblait-il, le soleil de l’indépendance