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Sensations de Nouvelle-France

noirs courant ça et là affolés, l’air restant quand même d’une netteté étrange, comme lavé à grande eau, puis avivé par le froid, ce froid des régions du Grand Nord qui s’en vient ici en maître, en souverain, que l’on sent souffler sans obstacles depuis les solitudes boréales. Et bientôt, je le sais, ce sera pour de bon l’hiver canadien, l’infinie congélation, partout, des blancheurs immaculées, sous des cieux profonds, lumineux, faits de ce bleu intense qui semble celui-là même des abîmes cosmiques.

Ce sera plus tard une histoire bien triste à écrire, bien dramatique aussi, que celle de M. Honoré Mercier, il y a peu de temps encore Premier-Ministre de cette Province, homme d’état excellemment doué, aux envolées très hautes, et sur qui avaient semblé se concentrer un moment toutes les destinées du peuple canadien-français. Puis subitement, devant une misérable question de chiffres — une accusation de détournement de fonds dont il fut plus tard reconnu innocent — toute cette puissance, à grande peine édifiée, s’affaissa, s’effondra comme un château de cartes. Puis le peuple d’ici, grand enfant comme tou-