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Sensations de Nouvelle-France

l’habitant : ce n’est qu’un ilote courbé vers la terre, qu’il cultive du reste fort mal.

« Il s’est présenté, pourtant, au cours de ce siècle, une occasion où l’habitant aurait pu nous être utile, et cette occasion a été notre soulèvement de 1837. Si ceux qui détenaient alors cette force des campagnes — d’autant plus brutale qu’elle était aveugle — l’eussent déchaînée contre nos oppresseurs, nous aurions joliment balayé toute cette province. Comme les Vendéens de 93, nos habitants, menés à coups de crucifix, auraient fini par remplir l’office d’un énorme catapulte, broyant et écrasant tout. Qui sait, la France Américaine — notre seule Patrie canadienne — aurait peut-être alors pu être fondée, et cela sans déroute de Savenay. Mais, hélas ! nous aussi, nous l’avons eu notre Savenay. Que dis-je ! Quiberon, non plus, ne nous a pas été épargné, et le désastre est devenu complet. Et maintenant, le cœur vide, désabusés, surtout résignés, nous descendons à la tombe, baisant quand même la main qui nous y pousse — cette main, il faut le dire encore, s’est ouverte autrefois pour tant de bienfaits — et bientôt nous entrerons au néant, les membres étroitement emmaillotés dans le suaire du drapeau britannique, et alors la nation canadienne-française,