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Sensations de Nouvelle-France

pourtant, j’ai beau écouter et pencher l’oreille, rien ne bruit et ne court, à travers ce pays, de cette idée de France Américaine, que l’on m’avait dit s’être réfugiée et toujours palpiter sur les bords du St-Laurent. Bien plus, on croirait vraiment parfois — mais n’est-ce pas là une monstruosité ? — que ce peuple, bien que né d’hier, penche déjà vers la tombe, et que même il y aspire de toute la force d’une morne et infinie désespérance.

Mais alors, enfin, que devient la légende, cette légende d’irrédentistes canadiens avec laquelle on nous berce, en France, depuis si longtemps, légende accrue, enflée de tout un fracas de grands mots sonnant dans les journaux, emplissant les joues des tribuns ? Que devient surtout la fameuse devise Gesta Dei per Francos, tonnant du haut des chaires des cathédrales, et secouant toute cette population de coups de clairons tapageurs et guerriers ? Serait-ce vraiment — comme me l’a laissé pressentir mon ami de Trois-Rivières — que de ce sol du nord sourdraient partout de nouveaux Tartarins, gonflés de vent et de jactance, toujours partant en guerre et n’abattant que des ânes, et ne faut-il voir en tout cela qu’une énorme Tarasconade, n’attendant plus qu’un autre Daudet pour atteindre l’immortalité ?