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Sensations de Nouvelle-France

pourrais appeler une certaine « force d’inertie » — sorte de puissance à l’état dormant — qui s’annonce ici, chez la plupart, en des fronts aux lignes tenaces et obstinées, des fronts têtus de matelots, pour tout dire ? L’habitude, voyez-vous, de tenir ferme dans les tournoiements de « poudreries », et de se défendre de toutes pièces contre les morsures d’un froid impitoyable, a dû achever pour de bon de mouler âmes et corps dans l’enveloppe de l’homme de mer, l’homme du large toujours vivant entre deux abîmes, toujours prêt à piquer du front dans les ouragans déchaînés, toujours arcbouté à travers flots, vents et tempêtes.

Mais l’entêtement ne constitue pas la volonté, encore moins l’initiative, et c’est le manque presque absolu de ces deux puissants leviers, chez les Canadiens-Français, qui fait qu’ils n’ont pas plus donné jusqu’ici la mesure de ce qu’ils valent réellement. Ce peuple, il semble, aurait dû depuis longtemps s’être jeté, lui aussi, dans le tourbillon de vie de cette bruyante et neuve Amérique ; qui veut et partout enfante des nations débordantes d’ardeur et de vaillance. Et