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Sensations de Nouvelle-France

de recevoir une perception assez nette de la « Patrie » canadienne. C’était le second jour de mon arrivée à Québec — je suis ici déjà depuis cinq jours — et dès le matin je m’étais joint à un parti d’excursionnistes, organisé sur invitation spéciale du gouvernement, et qui se dirigeait en chemin de fer, jusque par-delà les Laurentides, pour visiter une certaine région inculte dont on a l’intention de faire un parc national, comme celui de la vallée de la Yellowstone, en Californie. Le chemin de fer nous déposa, sur la tombée de l’après-midi, à une petite gare perdue dans les bois, afin de nous permettre de faire l’ascension d’un pic assez élevé, d’où, me disait-on, on jouissait d’une vue admirable. Si je fus disposé, tout d’abord, à me plaindre des longueurs et des fatigues du trajet, j’en fus bien récompensé par la suite quand, parvenu à la cime, mes regards purent enfin embrasser l’air et l’espace. Non, jamais je n’oublierai cela. Sous les feux du couchant, la forêt primitive, seule, se voyait dans toute sa farouche grandeur. Pas un lac, pas un ravin, pas une fumée : rien, rien qu’une énormité de frondaisons verdâtres, sur lesquelles courait la moire des reflets du crépuscule. Ce fut, chez moi, comme une stupeur, et mes compagnons, qui guettaient