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Sensations de Nouvelle-France

existence méthodique d’Angleterre les oppresse et les étouffe maintenant. Dans les musées de Florence et de Venise, au milieu des splendeurs de Londres et de Paris, dans les salons du beau et du grand monde, toujours la vision de l’Afrique les poursuit, et bien souvent dans leurs rêves ils revoient et revivent les belles nuits tranquilles du Karoo, ces nuits si tranquilles, que, sous l’étincellement des étoiles, il semble que l’on entende le silence. Et alors, l’Europe ne pouvant plus les satisfaire, ils reprennent bien vite la mer. Si, au retour, on les interroge, ils répondent tout simplement : « Plus de place pour personne, là-bas, vous savez. Et puis, ici, on est si libre d’aller et venir, et de jouer des coudes tout à son aise. » Et c’est là tout. Ils ne s’expliquent pas autrement pourquoi, quand en Europe cette sensation de libre immensité était venue à leur manquer, quelque chose d’eux-mêmes s’en était aussi allé, et ils s’étaient trouvés soudain sans élan ni ressort.

Il m’est arrivé ici même de pouvoir comprendre l’abattement de cette pauvre émigrée, dont parle Olive Schneider, en même temps que