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Sensations de Nouvelle-France

passent dans un mouvement continuel de navette, laissant derrière eux de longs sillons argentés. Puis d’autres vapeurs encore, des bricks, des goélettes. Au loin, deux lourds voiliers paressent sur leurs ancres, baignant dans le bleu du ciel et de l’eau. Et l’air est si pur, si clair, je dirais presque si vibrant, que tout cela — les bateaux, les maisons, les flots, les montagnes, les arbres — semble avoir été mis là dans quelque décor théâtral, fraîchement découpé pour le plaisir des yeux. Oh ! cet air, cette lumière, qui se glisse en moi, jusqu’au plus loin de mes veines, qui double toutes mes énergies, toutes mes sensations, qui me fait aspirer béatiquement la vie par toutes les pores ! Comment dire ce que j’éprouve, et comme alors on comprend l’impuissance des mots ! Aussi profondément que j’aille dans mes souvenirs, il n’y a que certains jours de fin d’hiver à Palerme, en Sicile, qui m’aient déjà donné le même enivrement, le même soulèvement de tout mon être. Et encore !…