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Sensations de Nouvelle-France

que j’ai toujours ressenti devant cette œuvre, combien j’eusse été heureux d’être témoin de la manifestation religieuse de Ste-Anne de la Pérade. Non, mais voyez-vous bien tout cela d’ici, comme il convient de le voir. Rappelez-vous le soleil en fête, l’air bruissant du printemps, les premières fleurs, la verdure éclatante, les cloches carillonnant à toutes volées. Voyez aussi, d’autre côté, ces flots noirs et bourbeux, roulant en avalanches furieuses, et charriant des débris de toutes sortes, voire des cadavres. Écoutez maintenant cette psalmodie s’élevant là-bas, et regardez venir à vous cet étrange défilé : toute une population portant des images bénies, avec en tête la croix d’argent du Sauveur, et puis ce vieillard dont les yeux inspirés, levés là-haut, appellent forcément les miséricordes célestes. Et cela, remarquez bien, s’est passé en Amérique, dans un pays qui commence à être entraîné à son tour dans le tournoiement de l’industrialisme américain, et à une journée de route à peine de ces mêmes États-Unis où, je vous le jure bien, la même manifestation de piété eût été non-seulement incomprise mais impossible.

Je souligne à dessein le mot impossible, car