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Sensations de Nouvelle-France

Et mon ami le consul allait, allait toujours : —

« Et Ferdinand Fabre, donc, poursuivit-il, quels pendants il aurait, parmi nous, à son Lucifer et à son Abbé Tigrane ! Quels drames intimes, quelles intenses analyses dans tout ce monde du clergé canadien, la grande, peut-être l’unique puissance de ce pays. Que de tempêtes sous crânes, que d’états d’âmes, réclamant leur romancier psychologue. Et le champ est si vaste, voyez-vous, depuis le chanoine grandissant à l’ombre d’une cathédrale et aspirant à la mitre ; depuis l’abbé instituteur brûlant son activité dans un séminaire, ou encore le curé bonasse et crédule enfoui dans un trou de campagne — trois types que nous possédons, comme en Europe — ; jusqu’à l’abbé financier, quelque chose comme celui mis en scène dans Les Courbezon, mais avec une teinte bien accentuée de modernisme, même de « fin de siècle » ; jusqu’au curé colonisateur, à la fois bûcheron, médecin, et pasteur, qu’on ne trouve que sur les défrichements avancés, et dont tout l’être fruste et rude vibre à l’unisson de la nature vierge du Grand Nord ; jusqu’au missionnaire, enfin, l’humble prêtre toujours consumé du feu divin du prosélytisme, et qui vit et meurt là-bas, tout au fond du Nord-Ouest, dans des solitudes effroyables, aux longs