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Sensations de Nouvelle-France

débordante est à ses portes, et il se trouve que, par la trempe particulière de son être national, c’est-à-dire par tout ce qui peu-à-peu a forgé et édifié son tempérament, il reste absolument sans ressources et sans armes.

Pour tout dire, en un mot, l’irruption anglo-saxonne, au Canada, vient enfin de mettre en évidence une vérité qu’on ne soupçonnait jusqu’ici que vaguement, et cette vérité c’est que l’éducation, par trop séminariste, que reçoivent les Canadiens-Français, devait inévitablement, à la longue, mettre ces derniers sur un pied réel d’infériorité vis-à-vis de leurs adversaires. Dans les collèges canadiens-français, on donne trop de part au dilettantisme classique, et à l’alanguissement qu’amène la contemplation prolongée du passé. Forcément, aussi, dans ces collèges, l’élève s’imprègne peu-à-peu de l’esprit ambiant, esprit en grande partie dirigé dans un sens de soumission absolue et de détachement des choses de ce monde. Et c’est pourtant dans la mêlée de ce même monde — et un monde, encore, qui, comme en Amérique, exige du neuf, de l’exubérant, presque de l’agressif — qu’il lui faudra plus tard, avec sa diathèse de passivité, lutter, vivre, se pousser des coudes et des pieds, engager enfin l’âpre combat pour l’existence. Or, on le sait,