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Sensations de Nouvelle-France

laps de temps, soient si rapprochés de nous, qu’avec un peu d’efforts on pourrait les toucher du doigt.

Ici donc, et en dépit de la légende, tout est anglais, ou à peu près, les rues, les maisons, les gens. Partout aussi ce sont les syllabes anglaises qui résonnent à l’oreille, qu’on voit s’étaler sur les enseignes, avec un air de se sentir absolument chez elles. Et ces choses n’existent pas seulement de surface : on sent que l’antique Nouvelle-France est profondément atteinte dans tout son être national, c’est-à-dire dans tout ce qui pouvait constituer son tempérament, son caractère, et son individualité. C’est ce qu’exprimait fort exactement, il n’y a pas longtemps, M. Arthur Buies, écrivain canadien quelque peu frondeur, quand il disait : « Ici, le commerce, l’industrie, la finance, les arts, les métiers, et jusqu’à l’éducation, jusqu’aux habitudes, jusqu’à la manière de dire « Bonjour » et de se moucher, tout est anglais. »

Et pourtant les Canadiens-Français forment à Montréal les cinq cinquièmes de la population, et alliés, m’a-t-on dit, à leurs co-religionnaires Irlandais, ils en arriveraient facilement aux trois quarts. Bien entendu, ici, je n’envisage, qu’à l’état purement hypothétique, cette possibilité