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CALISTO. Tu ne sais pas ce que c’est que d’être amoureux ?

DAPHNIS. Non.

CALISTO. Oh ! fais donc l’innocent. Nous t’écoutions hier quand tu chantais dans le bois d’orangers la chanson de Néréa ! et tu la disais avec un feu…

DAPHNIS. Eh bien ?

CALISTO. Comment, eh bien ? mais c’est une chanson d’amour.

DAPHNIS. D’amour ?

CALISTO. Et tu vas nous la dire.

DAPHNIS. Vous la dire ! quand Chloé m’appelle peut-être !

ENSEMBLE ET COUPLETS.
LES BACCHANTES.

Non, tu vas rester avec nous,
À nos vœux il faudra te rendre,
Ta Chloé saura bien t’attendre,
Non, tu vas rester avec nous.

DAPHNIS.

Ah ! je vous implore à genoux,
Hélas ! ma Chloé va m’attendre,
Ne m’arrêtez pas davantage.

CALISTO.

Nous te garderons pour otage,
Ou bien, pour payer ta rançon,
Tu nous diras cette chanson.

TOUTES.

Tu nous diras cette chanson.

CALISTO.

Nous la voulons.

DAPHNIS.

Nous la voulons. Ah ! sans façon,
J’aime mieux dire ma chanson !

COUPLETS.
I

Néréa,
La nuit est sereine,
Néréa,
Mon âme est en peine,
Viens et n’attendons pas du jour
Le retour.
Je me meurs sans toi !
Prends pitié de mon délire !
Ah ! de Néréa, le sourire
Me fait plus heureux qu’un roi !

II

Néréa,
L’oiseau du bocage
À déjà
Son plus doux ramage.
Les roseaux
Frémissent au bord des eaux !
Je me meurs sans toi, etc.

CALISTO. Tu le vois, tout aime… et tu voudrais nous faire croire… Mais tu es amoureux comme un fou.

DAPHNIS. Vous croyez ?

AMATHÉE. Comme un insensé, pauvre garçon !

DAPHNIS. Vous me plaignez !

TOUTES. Oh ! oui !

CALISTO. Car c’est un affreux mal que l’amour.

DAPHNIS. Alors, vous allez m’apprendre comment on en guérit !

CALISTO. Rien de plus facile, si tu retiens bien mon ordonnance !

DAPHNIS. Parlez ! j’écoute !

CALISTO. D’abord, il faut prendre une maîtresse jeune, jolie…

DAPHNIS. Bon, je prendrai Chloé !

CALISTO. Il faut lui faire un doux compliment.

DAPHNIS. Bien ! mais quand je suis près de Chloé, je suis tout embarrassé !

CALISTO. Innocent ! il faut avoir de l’audace… on lui prend la main, la taille… on lui prend un baiser… (elle l’embrasse) comme ça !

DAPHNIS. Bien ! j’embrasserai Chloé.

CALISTO. Toujours cette Chloé !


Scène VII.

Les Mêmes, PAN.

PAN, se parlant à lui-même. Impossible de m’emparer d’elle !… (s’arrêtant à la vue des Bacchantes.) Que vois-je ?

ARICIE. Tu l’aimes donc bien ?

DAPHNIS. Oh ! pour l’aimer !…

LOCOÉ. Et nous, comment nous trouves-tu ?

PAN, à part. Qu’est-ce que ça lui fait ?

DAPHNIS. Dame ! vous êtes belles !

NIOBÉ. Aussi belles que Chloé ?

DAPHNIS. Oh ! non !

TOUTES. Hein ?

DAPHNIS. C’est-à-dire… ça n’est pas la même chose ; et puis, vous êtes des nymphes, les compagnes du dieu Pan.

AMATHÉE. Ne nous parle pas de lui !

NIOBÉ. C’est notre bête noire.

PAN, à part. Qu’est-ce que j’entends là ?

CALISTO. Il est vieux.

AMATHÉE. Il est bête !

PAN, à part. Oh ! les coquines !

CALISTO. Heureusement nous en sommes débarrassées, et si tu voulais… (S’appuyant sur son épaule) en son absence…

ARICIE, s’appuyant de l’autre côté. Si tu voulais oublier Chloé…

DAPHNIS. Moi, l’oublier !

TOUTES, l’entourant. Pour l’amour de nous…

PAN, à part. Oh ! les scélérates… écoutons !

DAPHNIS. Oublier ma Chloé ! oh ! non, jamais !

TOUTES, s’éloignant. Jamais !