LES DEUX CANAILLES.
Un chansonnier nous chante la canaille,
Et ce mot-là désigne, selon lui,
Les artisans, l’ouvrier qui travaille,
Le jeune artiste un peu bohême et qui,
Sans le vouloir, vit aux dépens d’autrui,
Le Jacobin courant à la bataille
Et qui, chantant, combat nos ennemis,
Bref, tous les gens honnêtes et mal mis ;
Ce chansonnier voit ainsi la canaille,
Et comme lui, je vous dirai : j’en suis !
Mais, distinguons, si l’ouvrier, brave homme,
Se laisse aller à de mauvais penchants,
S’il aime à boire et boit toute la somme
Qu’en son logis attendent, expirants,
Sa pauvre femme et ses petits enfants :
Si, pour mieux boire, il veut se mettre en grève,
Si, toujours ivre, il se dit toujours las,
Bref, s’il se moque en se croisant les bras
Que sa famille et tout le monde crève,
C’est la canaille, et moi, je n’en suis pas.