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clama le vieux tribun, et l’ovation fut telle qu’il s’en émut ; On l’honorait de toutes parts et lui, pleurait, ce stoïcien impeccable, ce rigide que le sort contraire ne put abattre, et tous les députés virent ce qu’aucun de ses geôliers et de ses bourreaux n’avait jamais vu : la trace de ses larmes. Encore tout frissonnant de joie, il étendit les mains…

— Silence, écoutez !

On se tut ; il parla. Remontant aux premiers jours de son enfance, il dit le liberticide sacrilège de ce Corse qui longtemps, ayant rampé devant l’Incorruptible, se vendit aux dépravés du Directoire, à Barras, et combien dures, après l’agonie de la grande République, avaient été les épreuves échues à tous les cœurs qui lui demeurèrent fidèles ; il dit les amertumes et les misères de l’invasion en 1814, en 1815, et les secrets conciliabules tenus un peu plus tard par la jeunesse française, impatiente de secouer le joug d’un roi capucin ; il dit les trois Glorieuses de Juillet et les cruels déboires des héros dont le sang coula dans ces journées immortelles, et qui, délivrés du Bourbon, eurent à subir un d’Orléans ; il dit la corruption organisée par Guizot et le réveil du Lion, il dit les efforts de la plèbe redevenue le Peuple et son écrasement par les sicaires de toutes les réactions con-