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foule, avant de lui montrer comment un délégué de la nation, fidèle à son mandat, doit savoir mourir lorsque tout est perdu, fors l’honneur.

Ainsi que le représentant, l’homme du peuple était tombé dans la même rue au pied de la même barricade, en combattant pour le droit et pour la liberté.

— Vive la République démocratique et sociale ! cria-t-il sous les fers des chevaux cabrés qui piétinaient sur lui.

Le cri de ce porte-blouse expirant arrêta net cavaliers et fantassins qui firent volte-face. Un chef de bataillon, songeant à son avancement trop bien gagné, tressaillit sur ses étriers et, s’étant approché du moribond dont les yeux obscurcis le toisaient, il brandit son sabre, puis, impérieux, brutal, impitoyable :

— Allons, dit-il, qu’on musèle ce braillard et qu’on l’achève !

Une douzaine de fusiliers, dociles à l’ordre donné, se courbèrent vers le ruisseau rouge de sang où gisait, épuisé, le vaincu qui venait de pousser ce cri dont on avait peur encore, et les canons de leurs armes fumantes s’abaissèrent lentement.

Tous ces pauvres enfants de roture, héritiers de