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locuteur en se découvrant à nouveau très courtoisement. Mais vous ne me reconnaissez donc pas ?

— Aucunement, fis-je nerveusement.

— Je suis Robert Sagan.

Littéralement, je bondis de surprise.

— Vous êtes mon ami ?

— Moi-même.

— Jamais je ne vous aurais reconnu.

— C’est ce dont j’ai voulu m’assurer, me confia Sagan en reprenant sa voix naturelle, voix qu’il avait le don si rare de transformer d’une façon extraordinaire.

Véritablement, Robert Sagan pouvait être comparé au dieu Protée qui, ainsi qu’on sait, avait reçu de Neptune, son père, la faculté de changer de forme à volonté. Aucun comédien ne savait, comme mon ami, modifier son visage ou en cacher l’expression sous un masque factice.

Il entrait dans « la peau de son personnage » avec un art consommé et, au surplus, avec une telle conviction qu’il lui fallait presque un effort surhumain — à ce qu’il m’avait avoué — pour reprendre sa personnalité naturelle. Comme je le disais plus haut, sa voix même se transformait selon les traits distinctifs du personnage qu’il incarnait ; il prenait, si j’ose dire, une voix ad hoc, cette voix qui fait dire « cet homme a bien la voix qu’on lui supposait »,